Vous êtes ici :
- Unité de recherche
- AGORA
- Accueil
- Cahiers d'Agora : revue en humanités
- Cahiers d'Agora : revue en humanités
- Numéro 6 - Le traître en politique: profils, parcours et percept
3- Le conspirateur, le saboteur et le tyran. La figure du traître dans l’URSS stalinienne
Arthur Guezengar
La figure du traître a joué un rôle décisif dans la structure politique, économique, et sociale de l’URSS stalinienne, mais également dans les représentations de cette dernière à l’étranger. Cette figure prend alors différentes formes, qui obéissent à plusieurs fonctionnalités idéologiques du régime. La figure du conspirateur est ainsi utilisée comme un outil de lutte politique par le pouvoir stalinien pour éliminer ses opposants en particulier lors des procès de Moscou. Particulièrement prégnante dans le cas de Boukharine, elle apparaît comme un moyen de contrôler l’appareil d’État en éliminant les cadres pouvant représenter un contre-pouvoir. La figure du saboteur se présente ensuite comme un outil au service de la politique économique et sociale du régime. Le traître dépasse alors le cadre des anciens membres du parti pour s’étendre à l’ensemble des catégories sociales indésirables (koulaks, petits délinquants, paysans fuyant la collectivisation). Tout homme est dès lors susceptible de devenir un traître, alimentant ainsi le gigantesque dispositif carcéral qu’est le Goulag pour faire fonctionner une économie fondée sur le travail forcé. Enfin la figure du traître apparaît également comme un outil utilisé par les opposants au régime, en particulier trotskistes, dans leur lutte politique contre le stalinisme. Le traître devient alors Staline lui-même, accusé d’avoir trahi et dévoyé les idéaux de la révolution pour son propre bénéfice. À travers ces trois cas, la figure du traître apparaît donc comme un outil idéologique visant à structurer les représentations et à partir de laquelle les politiques économiques et sociales vont pouvoir s’articuler.
Mots clés. — trahison, Grande Terreur (1937-1938), communisme, proscription. Arthur Guezengar, Les Cahiers d’AGORA
Télécharger l'article